Ce petit village d’une superficie d’environ 11,09 km2 situé dans la vaste région du bassin du Vidourle, dépend du canton de Sommières dans le Gard. Toutefois, comme nous pouvons le constater sur la carte ci-contre, il est limitrophe à l’Est, aux portes de la Vaunage[1] avec Calvisson et Saint-Côme-et-Maruéjols ses proches voisins. Le ruisseau des Corbières (ou l’Aygalade), petit affluent du Vidourle à sec une bonne partie de l’année traverse Souvignargues. C'est d'ailleurs en raison de son lit étroit, qu'il porte le nom de "ruisseau". L’altitude de cette région entrecoupée de plaines et de bassins, traversée par de petites collines qui forment une chaîne orientée du N.-E au S.-O., varie entre 250m et 25m au sud. Le point le plus haut de Souvignargues est de 100m, tandis que celui de Saint-Etienne d’Escattes est de 80 m.
C’est au cours de l’an III (1794), lorsque la Constitution supprima les districts que Saint-Etienne d’Escattes débaptisée fut rattachée à Souvignargues qui prit alors le nom de Souvignargues-Escattes.
Situées dans le Bas-Languedoc, Souvignargues et Saint-Etienne d’Escattes bénéficient d’un climat méridional auquel correspond une végétation méditerranéenne constituée des forêts de chênes kermès peu denses et de garrigues abondantes en genêts, thym, lavande, romarin, arbousiers, etc.
[1] Cf. notre rubrique « Villages de la Vaunage »
D'azur à la tour d'argent ouverte, ajourée et maçonnée de sable, soutenue de deux scorpions adossés, aussi d'argent.
"D'azur" pour rappeler le ciel bleu ici.
"A la tour", car Souvignargues possédait une tour de guet, comme souvent ces petits villages, proches de la méditerranée.
De la mer pouvait venir l'ennemi, débarqué vers Montpellier et des chemins. Ceux qui se dirigeaient vers l'Espagne ou l'Atlantique.
"Deux scorpions" parce que ce village abrite aussi des petites bêtes de ce genre, dont le fameux scorpion blanc, très prisé par les pharmaciens pour son poison, fournissant un anti-poison remarquable. Les souvignarguais en faisaient, dans le temps, commerce à Montpellier
[2] Cf. site : http://www.souvignargues.free.fr/blason.htm
La photo aérienne de Souvignargues laisse apparaître un village construit en forme de circulade avec, en son noyau central, le château et la chapelle castrale entourés par un premier cercle, le dos des maisons servant de rempart. Une deuxième rangée de maisons faisant face aux murs du premier cercle fut alors érigée d’une telle façon que le dos de ces maisons constitue un nouveau rempart. Il en est de même pour le troisième cercle. Souvignargues a conservé le caractère médiéval de cette belle architecture de défense avec ses auvents d’échoppes, ses arcades en plein cintre et ses soubassements muraux.
L'ancien château primitif, construit probablement en bois comme la plupart des châteaux de la région, devait occuper initialement le point culminant au centre du village, mais aurait été reconstruit plus tard en périphérie avec un tour. A quelle époque ce château a-t’il été déplacé ? Aucun document confirmant ou infirmant cette thèse n'a été trouvé à ce jour. Toutefois, en 1175, le château primitif existait déjà mais, cinq siècles plus tard, en 1679, dans l’aveu et le dénombrement de la seigneurie de Louis de Brueys, seigneur de Souvignargues, il est fait mention de « l’ancien château »
Concernant les cinq siècles de domination romaine, il existe très peu de documents qui confirment l’existence de Souvignargues à l’exception de deux inscriptions trouvées, l’une dans le Recueil de Gruter (Gruter inscrip. Orb ; Rom. MCLIV, 4) faisant état d’un Blésidius, fils de Salvinus, et l’autre dans les Inscriptions Antiques de Fabretti que Ménard cite dans son ouvrage sur la ville de Nîmes (T I, liv. 3, notes) mentionnant un Salvinus Latronius. Ces inscriptions sont importantes car elles situent approximativement, la date de la formation du premier groupe d’humains à l’origine du village actuel, mais expliquent également l’étymologie de son nom : Salvinus ager. Il faut savoir que les Romains attribuaient une partie des terres conquises aux vétérans de leurs légions auxquelles ces derniers donnaient leur nom suivi du suffixe « anus ». Malgré cette absence de document formel, il paraît raisonnable de penser que le dénommé Salvinus cité par Gruter et Fabretti, ait été le premier propriétaire d’une villa qui lui aurait été attribuée par Auguste en l’an 727 de Rome, soit 27 ans avant J.C., après la bataille d’Actium[4]. Salvinus ager se transforma au fil des siècles en Souvignargues.
Cette Pax Romana, assura à notre région une longue période de paix et de prospérité, mais ensuite, le déclin de l’Empire Romain et sa chute permirent aux hordes de peuples barbares d’envahir à différentes époques, le Languedoc. C’est ainsi que Vandales, Wisigoths, Francs, Arabes, Normands, Hongrois, Sarrasins, puis, Hérésie et Arianisme, ainsi que de grandes épidémies (peste, choléra, …) dévastèrent cette région. Nîmes ainsi que tous les villages environnant ne furent pas totalement épargnés.
Durant la période carolingienne, en l’an 813, le document d’un grand propriétaire foncier de Nîmes, Braidingus, atteste que ce dernier, en date du 1er Janvier 813, lègue de nombreux biens à l’abbaye d’Aniane et sur lequel on découvre la mention de Silvianicus. Braidingus était-il un héritier en ligne directe, ou indirecte, du patrimoine de Salvinus ou bien avait-il tout simplement acquis ces biens quelque 9 siècles après ? Rien ne permet de répondre à cette question.
l.18 garricis, aquis aquarumve eductibus, unacum molinare, qui est in ipso rio Ponderare, et est infra terminum de villa Silvanianicus. Similiter et ipsa villa Silvinianicus.omnia et ex omnibus quod ibi visus sum habere vel possidere. Et in villa Calvanianicus similiter (extrait de la charte 4790 des A.D. de l’Hérault I J1016, trouvée sur le site http://www.cn-telma.fr/originaux/charte4790/ |
[3] Les éléments qui vont suivre ont été tirés du livre « SOUVIGNARGUES », petit village du Bas Languedoc du docteur Jean Lavie, correspondant de l’Académie de Nîmes, imprimé sur les presses de l’imprimerie Christian Lacour à Nîmes en Février 1997, ainsi que divers documents et sites que nous citons au fur et à mesure dans les notes de bas de pages.
[4] Le 2 septembre de l'an 31 avant J.-C., une grande bataille navale se déroule près d'Actium, sur la côte occidentale de la Grèce, non loin de Corfou. Octavien (ou Octave), fils adoptif et petit-neveu de Jules César, bat Marc Antoine et Cléopâtre, les amants les plus célèbres de l'Antiquité, sinon de toute l'Histoire. C'est le point final à près d'un siècle de guerres civiles ! http://www.herodote.net/2_septembre_31_avant_JC-evenement--310902.php
Pour gouverner son immense empire Charlemagne avait créé de grands domaines confiés à de nombreux comtes, vicomtes et viguiers mais, suite à l’insécurité et l’anarchie qui en résultèrent, ces domaines furent réduits peu à peu en moyennes et petites seigneuries. Pour se protéger et permettre à leurs populations de s’abriter en cas de danger, ces seigneurs ont alors fait construire des demeures fortifiées (les châteaux forts du Moyen-Âge). La grande Province du Languedoc était désormais composée d’un nombre important de moyennes et petites seigneuries sous la dépendance des Comtes de Toulouse. Les décennies qui suivirent furent relativement calmes et la Province connût un important essor économique et social ainsi qu’une une forte poussée démographique. L’apparition des Troubadours, l’institution de la Chevalerie, la poésie permirent un épanouissement de la civilisation occitane en Languedoc mais aussi en Provence.
Quelques citations puisées ici et là nous livrent de précieux renseignements qui nous permettent de mieux situer dans le temps les deux villages de Souvignargnes et Saint-Etienne d’Escattes :
Saint-Etienne d’Escattes :
« Pétri de Scata Sacerdotis » (Histoire du Languedoc, Edit.Paya, Toulouse, 1840, T IV, p.516, année 1168)
« B. de Scata ». 1174 » (Dictionnaire Topographique du Département du Gard de Germer Durand) dans Ménard T VII, p.721)
« Bermundo de Scata Presbytèris » ((Histoire du Languedoc, Edit.Paya, Toulouse, T VI, p.531, année 1174)
« Prioratus Sancti Stéphani de Scata » en 1242 (ADG, G366)
« Ecclésia de Scata » 1836 » (dans le Répertoire du Subside de Charles VI)
« Sanctus Stephanus de Scata », 1496 (Ménard (IV, pr p.63, C&)
« Le Prieuré de Saint-Etienne d’Escatte ». 1609 (Ins. Eccl. du Diocèse de Nîmes)
« Saint-Etienne d’Escats », 1634 (ADG, G 742).
« Saint-Etienne d’Escats », 1670 (Ins. Eccl. du Diocèse de Nîmes)
« Saint-Etienne de Castes », 1704 (C.J. de La Baume, Rel. Inéd. De la Révolte des Camisards)
« Saint-Etienne d’Esclate », 1756 (Fontaine, Not. Nîmes)
« Saint-Etienne d’Escate », 1768 (ADG, G 376)
Souvignargues
813 – « Silvanianicus ou Silvinianicus » (dans le testament de Braidingus à l’Abbaye d’Aniane, susdit)
1031 - « In Terminium Sancti Andrae de Slavignanicus in ripa aqua Lata in comitatu Némausensis » (dans le cartulaire de Notre-Dame de Nîmes (la Cathédrale)
1123 - « La villa Salvinianica » (citée dans le cartulaire de Psalmodi)
1124 – « Pons de Souvignargues, Chevalier des Arènes, prête serment au vicomte de Nîmes Bernard-Aton, fils d’Ermengarde et époux de Cécile de Provence » (Mazauric. Histoire du Château des Arènes, p. 198-199)
1125 – « Salviananègues » (désignant Souvignargues dans le cartulaire de Psalmodi)
1138 - « Donation faite au Comte Alphonse Jourdain de Toulouse en l’An 1118 (1138) » « Témoins (entre autres) : Guillaume de Salvananègues » (dans Histoire du Languedoc (T IV, Pr. P.426)
1384 – « Salvanhanicae » (citée dans le dénombrement de la Sénéchaussée)
1435 – « Salvanhargues » (Dans le Répertoire du Subside de Charles VII en 1435)
1461 – « Salvinhargues (Reg. Cop.de lettres roy. E fo 71)
1548 – « Sauvahargues » (Cart. De Franquevaux)
1557 – « Sovinhargues » (J. Ursi, Not. Nîmes)
1563 – « Saulvinhargues » (Ibid)
1582 – « Sauinhargues et Escatte, viguerie de Saumières » (Tar. Univ. Du diocèse de Nîmes)
1616 – « Sauvagnargues (arch. Com. de Combas)
1704 – « Sauvignargues (J.C. de la Baulme. Rel. Inédite de la Révolte des Camisards).
(Citations extraites du livre du Docteur Jean Lavie : Souvignargues, petit village du bas Languedoc)
Outre Pons et Guillaume de Souvignargues cités ci-dessus, il semblerait que cette commune puisse être fière d’avoir compté trois Chevaliers des Arènes[5]. En effet, selon l’ouvrage de Mazauric, Eudes de Souvignargues et sa femme Marie auraient cédé à Ugo de Colombier une terre de la paroisse Saint Martin (une église située à l’intérieur des Arènes de Nîmes) et seul, un chevalier des Arènes pouvait céder une terre de la paroisse Saint Martin.
Souvignargues et Saint-Etienne d’Escattes sont restées sous la suzeraineté des Comtes de Toulouse de la fin de l’époque Carolingienne à la fin de la première moitié du XIIIème siècle. Si le XIIIème siècle fut considéré en France comme le « Grand siècle du Moyen-Âge », il n’en a pas été de même dans le Languedoc occidental et le Bas-Languedoc, qui furent marqués par la « Croisade des Albigeois[6] » opposant le Pape Innocent III à l’hérésie cathare. Cependant, malgré le massacre de Béziers, la prise de Carcassonne en 1209, les sièges de Beaucaire (1216), d’Avignon (1226), de Bernis dont presque tous les habitants furent pendus et les prises de nombreux Châteaux forts (Bellegarde, Vauvert, Posquières, Bernis, La Calmette, St Chaptes, etc.), Nîmes et Sommières furent pourtant relativement épargnées. Les conséquences pour le Languedoc dont la démographie n’a pourtant pas trop été affectée, furent surtout administratives et politiques. Sommières et ses environs qui dépendaient de la Seigneurie des Bermond d’Anduze et de Sauve avant la Croisade, passèrent sous le contrôle de l’Administration Royale dès 1226 qui comportait un sénéchal par région, des viguiers et bailles pour les petites paroisses éparses dans la campagne. Par ailleurs, un mouvement d’indépendance communale se répandit dans toute la province avec l’établissement du Consulat dans beaucoup de paroisses faisant suite à l’affaiblissement du pouvoir seigneurial des Comtes de Toulouse. Enfin, il faut ajouter des conséquences sociales qui ont fait régresser certaines agglomérations comme Béziers et St Gilles tandis que d’autres ne cessaient de progresser.
En définitive, malgré cette guerre qui dura une quarantaine d’année, le XIIIème siècle finissait assez bien pour le Languedoc dont le commerce n’avait pas trop souffert mais au contraire s’était ouvert avec le nord de la France. Les destructions causées par les troubles permirent à l’architecture, à la construction et aux Universités de Toulouse et de Montpellier[7] de se développer. Le rattachement au Royaume de France permit également de créer une seule grande région jusqu’ici morcelée en de nombreuses principautés rivales, facilitant ainsi son développement économique et intellectuel.
Le XIVème siècle s’annonçait donc sous de très bons auspices pour le Languedoc, mais hélas ! c’était sans compter sur des évènements tragiques qui allaient durer près d’un siècle et demi. Nous les citons brièvement ci-dessous, laissant au lecteur le choix d’aller sur des sites développant plus longuement et plus précisément les évènements en question.
[5] Chevaliers des Arènes : voir histoire sur sites : http://www.nemausensis.com/Nimes/arenesESP/arenESP8.htm
http://www.nemausensis.com/Nimes/Consuls/LesChevaliersDesArenes.html- http://www.nemausensis.com/Nimes/ArenesJouve.htm -
[6] Croisades des Albigeois : Voir histoire sur sites : http://www.herodote.net/1208_a_1244-synthese-98.php
http://www.cathares.org/coupable-de-croisade.html - http://his.nicolas.free.fr/Conflits/PageConflit.php?mnemo=CroisadeAlbigeois
http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/action-culturelle/celebrations-nationales/2008/vie-politique-et-institutions/appel-du-pape-innocent-3-croisade-contre-les-albigeois/ - http://www.payscathare.org/histoire-catharisme
[7] Toulouse et Montpellier facultés de Droit et de Médecine se sont développées au détriment de Paris et Salerne en plein déclin.
Après la mort du Duc de Berry, Charles VI reprit personnellement en main le gouvernement du Languedoc, mais après l’assassinat du Duc d’Orléans en 1407, frère du roi, les partisans de Jean Sans Peur, duc de Bourgogne, jettent de nouveau la France dans des luttes intestines sanglantes que la rechute de la maladie du roi ne fit qu’aggraver.
[8] La révolte des Pastoureaux : http://www.histoiredefrance.net/la-revolte-des-pastoureaux-de-1320-2388-4.html - http://www.templedeparis.fr/2013/09/01/la-croisade-des-pastoureaux/ -
[9] La Guerre de 100 ans : http://www.histoire-france.net/moyen/guerre-cent-ans - http://www.herodote.net/1337_a_1453-synthese-109.php - http://www.cosmovisions.com/ChronoCentAns.htm
[10] La peste Noire : http://www.dinosoria.com/peste.htm - http://www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1948_num_3_3_1952 - http://www.historel.net/moyenage/14e/peste.html