Il semblerait qu’attribuer un surnom était jadis une pratique courante et qu' il n’est pas rare aujourd’hui de voir survivre cette coutume. Par dérision, méchanceté, jalousie ou autres ressentiments, la nature humaine a toujours fait preuve d’une imagination fertile dans cet exercice tant sur le plan individuel que sur le plan collectif.
L’Hérault, le Gard et les Cévennes n’ont pas échappés à cette tradition et rares sont les villageois qui n’ont pas été affectés par des sobriquets plus ou moins désagréables que leur attribuaient leurs proches voisins. Liés souvent à leur façon de se nourrir, à leurs coutumes, à leur environnement (flore, faune, terrain, climat, etc.) ces surnoms ont résisté au fil du temps. J'ai décidé, virtuellement s'entend, de partir me promener dans ces régions à la découverte de ces sobriquets en espérant que vous voudrez bien faire un peu de route en ma compagnie et, si vous me le permettez, je vais démarrer depuis la ville où j'ai grandi.
Les Sétois étaient surnommés "Li Tron" en raison, paraît-il, de leur caractère rapide et impétueux. J’ignorais ce sobriquet, mais ce mot me remet en mémoire une expression que j’ai entendu souvent dans mon enfance « Tu es un véritable tron de l’Air !». Curieuse de connaître la signification de ce mot « Tron », je suis allée consulter le site http://www.visitsalondeprovence.com/decouvrir/lart-de-vivre/boutades-du-parle-provencal qui donne la définition suivante : « Tron : Tonnerre. Souvent utilisé dans l'expression "tron de l'air" désignant la plupart du temps une femme active, énergique et enjouée, mais qui peut aussi signifier "la foudre" "Que le tron de l'air te cure !" "Cette femme, c'est un vrai tron de l'air". Ouf ! je m’attendais à quelque chose de plus désagréable.
Qui n’a jamais entendu l’expression « Los Ventres blaus » (Les ventres bleus) dont furent affublés les Frontignanais Plusieurs explications concernent cette appellation et bien malin sera celui qui pourra affirmer laquelle est la bonne.
Chacun pourra adopter sa version préférée mais nul ne pourra prétendre être détenteur de la vérité.
La ville de Montpellier construite sur deux collines est surnommée « Lo Clapàs » et les Montpelliérains sont des « Clapassièrs » ou « Clapassencs ». En occitan, le clapàs désigne un tas de pierres et, à Montpellier, le principal matériau de construction utilisé s’avère être la pierre de Castries (calcaire coquillier blanc crème à l’origine mais qui adopte une patine dorée en vieillissant)
Les Melgoriens (habitants de Mauguio) étaient surnommés « Les ventres rouges ». Rien à voir avec leur tenue vestimentaire car c’est surtout en raison de leurs tendances politiques. Ils étaient également désignés sous « Li manjo-granouio » (mangeurs de grenouilles) car ils devaient beaucoup apprécier ce plat, tout comme les habitants de Maillanes dans les Bouches-du-Rhône.
A Sussargues demeurent « Li Rousigo-Poto » (en provençal), ou « Li Rousiga-Pota » (en langue d’Oc) = ceux qui rongent le thym. Pauvres, Les habitants de ce village se rabattaient sur les herbes de garrigues car ils n’avaient rien à manger.
Beaulieu et Restinclières sont deux villages voisins où la vie était si rude qu’ils se disputaient un nid de pie en haut d’un grand chêne. Beaulieu remporta la victoire méritant ainsi le sobriquet de « Li manjo agasso » (les mangeurs de pies) tandis que Restinclières se voyait affublé du sobriquet de « Li rasclet » (les fauchés)
A Lunel, ce sont « Li Pescaluno» qui nous accueillent. Ce joli surnom remonterait vers le VIème siècle. Des pêcheurs d’anguilles vivaient au milieu des marais et savaient que ce poisson aimait chasser dans l’obscurité. De ce fait, ce n’est que lors des nuits très sombres que les pêcheurs déposaient, un appât au fond d’un panier qu’ils descendaient attaché à une corde, sur les fonds vaseux des marais. Des témoins de cette méthode de pêche particulière crurent que ces gens des marais avaient kidnappé la lune dans leur nasse et relatant leur croyance un peu partout, donnèrent naissance à la légende des Pêcheurs de lune, « Pescalunes » en occitan.
Une version un peu différente laisse entendre que nos Lunellois étaient un peu « Fadas » car ils essayent de pêcher la lune avec un panier percé, croyant que celle-ci s’était noyée dans les marais.
Qu’importe la véritable version. Les Lunellois semblent avoir très bien adopté cette identité puisqu’une statue du Pescalune réalisée par Ben K. a été installée entre les Arènes et les Halles, où elle ne manque pas de faire parler les chalands.
Marsillargues est peuplé de « Li Bajan » qui signifie badauds, crédules, naïfs.
Je sors à présent de cette partie sud-est de l’Hérault et vais prolonger ma balade à la recherche des sobriquets du Gard. Je vous invite donc à me suivre, si comme je l’espère, votre curiosité est toujours en éveil.
Les pêcheurs du Grau du Roi qui marchaient souvent pieds nus, ont été vraisemblablement à l’origine du sobriquet donné aux habitants : « Li Pèd d’Escaus » (les va-nu-pieds). Toutefois, les Graulens étaient amateurs de tripes des foulques chassées sur l’étang de Médard et prirent aussi le surnom de « li manjo-tripo » (mange tripes, issu du Provençal) ou « li manja-tripa » (issu de la Langue d’Oc).
Les habitants d’Aigues-Mortes ont également été surnommés « Li Vèntre Blu ». Là aussi, nous avons le choix entre trois versions :
Des trois versions, il semblerait que les Aigues-Mortais aient opté pour la version historique …
Saint-Laurent d’Aigouze et Remoulins beaucoup plus à l’est dans le Gard, partageaient pourtant le même sobriquet de « Li coude-negre ». La majorité des habitants étant des paysans qui, travaillant penchés sur la terre voyaient leurs nuques noircir sous les ardeurs du soleil.
Les habitants du Cailar étaient particulièrement gâtés puisqu’ils bénéficiaient de trois sobriquets :
Les Aimarguois, habitants d’Aimargues, qui faisaient paître leurs bêtes sur les terres de Marsillargues durant des périodes non autorisées, étaient considérés comme des voleurs d’herbe et prirent le surnom de « Li raoubo-vesto » (les voleurs de vesces), « li Fripoun » (les fripons). ils étaient également appelés « Li Desaurelhats » (les sans oreilles)
A vauvert, ce sont « Li Hautboïstes » (joueurs de Haubois), « li Radiers Mua » (ceux tombés de la dernières pluie) et enfin « Li Roula-Code » ou « Li Rotlacodes » (Rouleurs de pierres), le codo ou le codou étant un caillou. En fait, ce sobriquet leur a été attribué en raison des gros galets qui étaient entraînés dans les rues par le ruissellement des fortes pluies.
« Li Tefles » désignait les habitants de Beauvoisin qui avaient des visages très jouflus à moins que ce ne soient des gens têtus, tandis que leurs voisins de Générac étaient surnommés « Li Racanels » (les râleurs), « Li Rascos » (teigneux, avare) et « Li Tracanets » (personnes de petite taille et courtes sur jambes).
A Saint-Gilles, nous rencontrons « li manga-pan » (les mangeurs de pain) et « li souavajé » (les sauvages), en raison de leur tempérament violent et brutal et à Garons nous faisons connaissance avec "Li Fifré" (gens naïfs), tandis qu'à Caissargues ce sont "Li Manjo-bofi" (les mangeurs de goujons), "li manjo-fourmo" (les mangeurs de fromage) et enfin "li planta-grame" (les planteurs de chiendent) qui nous accueillent.
A Milhaud, la population devait être pauvre et économe car elle était connue sous le sobriquet « Li Beca-grum » (picoreurs de grains) ou bien encore "li manja-forma" (les culs bénits), tandis qu’à Bernis nous trouvons des "Manja-Saucissas" sûrement dû au fait que les Bernissois élevaient des cochons dans leurs vignes et qu'à Uchaud il y avait « Li manco-voutièro » (ceux qui manquent le virage) ou « Li manjo-routièro » (les chauffards) car les charretiers du village rataient souvent leur tournant ou virage.
Les Vergézois étaient baptisés « Li veri » ou « Li Manjaverres » en raison de leur consommation d’une sorte de petit escargot à coquille aplatie, à chair noire, appelé verri.
Les habitants de Codognan doivent leur Sobriquet à la journée du 2 décembre 1851, jour ou Louis Napoléon Bonaparte décréta la dissolution de l’Assemblée Générale. Après avoir participé à ce coup de force, les Codognanais ne furent jamais attrapés, d’où leur surnom de « Li lapin di camp » (les lapins des champs).
La fête votive d’Aigues-Vives qui avait lieu en Mai, se déroulait, chaque année, sous la pluie. C’est ainsi que les habitants de ce petit village furent bâptisés « Li bagnas » (Ceux qui baignent, sont mouillés).
« Li coucourliers » (cultivateurs de courges), représentent le village de Junas.
A Boisseron nous trouvons soit « Li Passerouns », (les passereaux, les étourdis), soit « Li sauto-Roc » (les sauteurs de rochers) sobriquet dû probablement aux nombreuses carrières dans ce village et à la présence de nombreux rochers sur les chemins.
« Li Caladaires » (poseurs de pierres) et « Li Passerouns » demeuraient également à Sommières. Nous avons vu ci-dessus que « Li Passerouns » désignaient des étourdis. L’histoire raconte qu’un jour des maçons tentaient de faire rentrer en travers une poutre dans une maison. Bien sûr, il n’y parvinrent pas, mais un des ouvriers levant les yeux vit un passereau qui entrait une brindille dans un trou du mur en tenant la paille dans le sens de la longueur. Les Sommierois ne semblaient donc pas très débrouillards.
A Villevielle les habitants ne devaient guère apprécier d'être appelés "Li Citres", terme qui désigne les pastèques à confiture, les imbéciles.
Le village de Souvignargues était réputé pour les petits scorpions blancs qu’il abritait et qui étaient d’ailleurs très prisés par l’industrie pharmaceutique. Sa population fut surnommée « li Escorpions » dans le sens de petits hommes méchants car il semblerait que les habitants avaient une langue bien pendue et que leurs propos pouvaient être très venimeux.
Un peu plus haut à Montpezat vivaient « li Copatèsta » (coupeurs de têtes). J’ignore quel était la raison qui avait abouti à ce sobriquet. Si quelqu’un connaît la réponse, je lui saurais gré de me la communiquer.