La mémoire

Quand la mémoire se réveille… ou les facéties du cerveau !

Histoire de changer un peu, j’ai choisi, aujourd’hui de faire dans la légèreté et la poésie. Légèreté et poésie  avec un titre pareil ? Rassurez-vous, je ne vais pas développer ici un cours sur le cerveau et ses énormes capacités. Tel n’est pas mon but, d’autant que j’en serais bien incapable et pour les personnes désireuses d’en savoir plus sur cet organe magnifique, je pense qu’elles pourront trouver dans des sites spécialisés, toutes les informations dont elles ont besoin. Non, je veux seulement évoquer les facéties de notre cerveau qui a de temps à autre, allez savoir pourquoi, des réactions totalement imprévisibles.

A l’école, il y a de cela bien longtemps puisque j’étais alors en classe de CM1, l’institutrice nous expliqua un jour que notre cerveau pouvait être comparé à une immense armoire contenant des milliers de tiroirs qui renfermaient tout ce que l’on voyait, lisait, entendait ou faisait et ce, tout au long de notre vie. C’était une image bien sûr pour nous aider à mieux comprendre le mécanisme qui se déroulait dans notre petite tête sans que nous en ayons conscience. Nous avions tout de même beaucoup de mal à comprendre ce qu’elle tentait de nous expliquer tant cela nous paraissait impossible.

 Cela m’arrive assez souvent, trop souvent à mon goût, de me trouver incapable de citer le nom d’une personne rencontrée récemment, d’oublier un rendez-vous important chez le dentiste ou autre, de chercher clés ou lunettes dont je me servais quelques minutes auparavant. Je suis certaine que vous aussi vous avez connu ces « trous » qui sont vraiment désagréables et nous mettent parfois de mauvaise humeur. Mais il faut bien le constater, les choses finissent toujours par s’arranger car, sans que l’on sache comment, tout à coup l’éclair surgit dans notre tête, le tiroir adéquat s’ouvre enfin et l’on retrouve ce que l’on cherchait depuis un bon moment !

Il suffit parfois d’un tout petit rien pour que notre mémoire se réveille, nous surprenne et nous voilà, sans le vouloir, transportés dans une autre époque, d’une manière tout à fait inattendue. C’est ce qui m’est arrivé il y a quelques jours alors que je prenais des photos au cours d’une de mes promenades sur une petite route de Clarensac en direction de Saint Côme et Maruéjols. Pourquoi ai-je eu envie de faire ces photos ce jour là ? Peut-être le ciel m’a t’il fortement influencée ?

          Mimine et poteaux 004    Mimine et poteaux 007 

Difficile en effet d’imaginer que ces deux photos ont été prises le même jour, à quelques secondes d’intervalles, le temps de parcourir la distance entre les deux poteaux et de changer d’orientation avec mon appareil. Ces deux photos n’ont rien de sensationnel je vous l’accorde bien volontiers, car depuis plus de huit ans que je promène dans ce village, j’ai eu maintes fois l’occasion de passer sur cette route, par tous les temps et je n’avais jamais éprouvé le besoin de prendre des clichés.

Ce jour-là pourtant, alors que je déclenchais mon appareil photo, je me suis surprise à penser subitement à un texte que la dite institutrice de CM1 nous avait fait apprendre par cœur et sur lequel nous avions longuement travaillé pour tenter de comprendre où voulait nous emmener l’auteur.

Cela ne date pas d’hier et il me semble encore entendre mes camarades de classe s’exprimant parfois avec hésitation de crainte de dire une sottise qui ferait rire toute la classe. Comparé à d’autres textes que nous avions étudiés jusque là, je me souviens que le cours m’avait paru plus agréable et moins long que d’habitude et puis sans que je m’y attende, je me surpris à réciter le texte, sans aucune hésitation. Les mots me venaient sans effort particulier, un après l’autre ils s’enchaînaient à la perfection. Pas un ne manquait à l’appel… ou plutôt si, deux d’entre eux jouaient les rebelles car, j’avais beau essayer de les retrouver, je n’y parvenais pas. En effet, impossible de me souvenir du prénom et nom de l’auteur… J’avais le titre, le corps du texte, mais l’auteur, rien à faire. Pour quelle raison ? Ils avaient dû s’égarer dans un autre « tiroir » qui refusait tout simplement de s’ouvrir ! Cela gâchait un peu la fin de ma promenade car tout le long du trajet je me torturais les méninges en vain. J’évoquais mentalement quelques noms, doutais sur un ou deux, mais il fallait bien vite me rendre à l’évidence, aucun ne me convenait. Ce « trou de mémoire » vire vite à l’obsession, enfin du moins en ce qui me concerne car j’aime bien trouver une réponse aux questions posées. Comment était-il possible que je récite mot à mot tout un texte complet alors que je ne parvenais pas à en retrouver deux ? La maladie d’Alzheimer me guette-t’elle ? Devant mon inquiétude, un tiroir providentiel s’ouvrit et je me souvenais alors d’avoir lu quelque part que «Si quelqu’un a conscience des ses problèmes de mémoire, c’est qu’il n’a pas l’Alzheimer.». Il s’agirait plutôt d’ anosognosie dont sont affligés les gens de plus de 50 ans, problème plus lié à l’âge qu’à une maladie. On se rassure comme l’on peut n’est-ce pas ? Je garde tout de même un doute sur la fiabilité de cette assertion si j'en juge à la définition du terme telle qu'elle apparaît dans le dictionnaire : Incapacité pour un patient de reconnaître la maladie ou la perte de capacité fonctionnelle dont il est atteint. Mais bon, je ne suis pas là pour jouer les "alarmistes" et je reprends le fil de mon histoire.

Mon institutrice avait peut-être raison avec son histoire de «tiroirs», sauf qu’elle a oublié de nous préciser qu’ils ne s’ouvraient pas toujours systématiquement lorsqu’on en avait besoin, ou ne délivraient quelquefois que partiellement leur contenu.

Fort heureusement, des hommes très intelligents, sachant que leurs capacités intellectuelles aussi puissantes soient-elles, étaient toutefois limitées, eurent l’idée géniale de créer une machine capable dans un premier temps de calculer, puis de transmettre des informations. Je veux parler bien sûr de l’ordinateur[1] puis de la mise en service d’’Internet, il y a près de 40 ans.

Ordinateur 

Pas si absurde que ça l’idée des armoires et tiroirs de mon instit !

Sitôt rentrée à la maison, je me précipitais sur mon ordinateur pour lancer une recherche concernant ce texte et son auteur. Cela ne me prit pas longtemps car depuis leur création, les ordinateurs ont énormément progressé et les moteurs de recherche s’avèrent d’une efficacité redoutable. Je découvris enfin qui avait écrit ce texte qui est resté présent, bien tapi dans son fond de tiroir, jusqu’au déclic de la photo qui lui a permit de se rappeler à mon bon souvenir.

Bon ! Me direz-vous, où est donc la poésie dans tout cela ? Jusqu’ici, rien de trop poétique si ce n’est quelques photos banales et quelques informations sans grande portée sur les ordinateurs. Voilà, J’y viens, J’y viens !… Je vous sens impatient(es) car si vous avez eu le courage de me suivre jusqu’ici, c’est que vous avez hâte de connaître la chute de mon histoire que je vous invite enfin à découvrir.

Au fait, c’est Georges Duhamel qui a écrit ce texte mystérieux que vous pouvez retrouver dans un de ses recueils intitulé  "Les Fables de mon Jardin"

Lamentations d'un vieux poteau de bois

 " Quel siècle, mon Dieu ! Quel siècle ! Ne me parlez pas de leurs peintures. Qu'ils me laissent tranquille avec leurs goudrons, leurs pots et toutes leurs cuisines chimiques. Bien sûr, j'ai des rhumatismes à cause de leur sale climat. Pensez : moi, je ne suis pas d'ici. J'ai grandi sur une montagne, le pied au sec, dans la roche, et la tête au soleil. Ah ! Non, je ne suis pas d'ici. Tant pis ! Je ne me plains pas. Il n'y a vraiment qu'une chose que je ne peux supporter. Ce sont... Parlons plus bas, je vous prie... ce sont les voisinages désagréables. Regardez un peu vers la gauche.

Quelle pitié, monsieur, quelle honte ! Un poteau de ciment armé. Voilà ce qu'ils ont eu l'idée de planter à côté de moi. Quelle humiliation ! Oh ! Je ne lui adresse même pas la parole. Je n'ai même pas l'air de le voir. Si vous saviez comme il est bête, comme il est orgueilleux et froid. Il ne comprend rien à la vie, rien au soleil, rien à la brise. Il se contente de chanter : "Je suis fait pour vivre mille ans", ce qui n'est sûrement pas vrai, car il est fendu. Non, ce qu'il faut supporter, monsieur ! Mais, sachez-le, sachez-le, ma patience a des bornes. S'ils me poussent à bout, avec leur poteau de ciment, je vais leur montrer qui je suis. Je vais les étonner, monsieur. Je vais faire des feuilles et des branches..."                 

   Arbre poteau     G. Duhamel, Fables de mon jardin, © Mercure de France, 1936  

 Je ne vous ai pas pris(es) en traitre, je vous l’avais annoncé dès le début : légèreté et poésie, mais c’est promis, je ne le referai plus.

 A bientôt pour un autre sujet !

                                                                 Anne Marie

 

http://histoire.info.online.fr/ordinateurs.html

http://web.lefigaro.fr/date-de-naissance-internet.html

http://dialogue.education.fr/D0049/lire_ecrire_quel_siecle_ficheprof.pdf

 

 

[1] Janvier 1948 : Wallace Eckert de chez IBM et son équipe terminent le SSEC (Selective Sequence Electronic Calculator). Cette machine hybride est composée de plusieurs systèmes de stockage : 8 tubes à vide, 150 mots sur une mémoire à relais et 66 boucles de bandes papier pouvant stocker au total 20000 mots de 20 digits au format DCB. Cette machine pouvait lire ses instructions de l'une des boucles de papier, voire même en mémoire, ce qui en fait aussi un calculateur à programme enregistré (même si la capacité mémoire était minime). Du point de vue d'IBM, il s'agit donc du premier vrai ordinateur.

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