Rien n’est plus facile aujourd’hui que d’effectuer sa lessive ! Il suffit de prendre sa corbeille à linge et hop ! Dans le tambour de la machine à laver, un peu de produit, un soupçon d’adoucissant, il n’y a plus qu’à programmer le bon cycle de lavage et miracle, la lessive s’effectue toute seule et, tant soit peu que la machine possède un cycle « séchage », même plus besoin d’étendre son linge.
Nos ancêtres qui devaient se contenter d’un mélange de graisses animales et de cendres pour tenter de redonner à leurs linges un semblant de propreté, resteraient pantoises devant le choix des produits de lessives très élaborés mis à notre disposition aujourd’hui.
Le savon existe depuis longtemps. Déjà, 2500 ans avant Jésus-Christ les Romains l’utilisaient pour se laver et faire nettoyer leurs vêtements dans des laveries publiques appelées « ateliers de foulons ». C’est dans un environnement malsain que des, « foulonniers » utilisaient des détergents dénommés « terre à foulon » en dansant sur les vêtements. Cette terre permettait d’enlever les graisses tout en ravivant les couleurs. L’urine recueillie dans les toilettes publiques servait au blanchiment du linge qui était rincé deux fois et mis à sécher sur des cadres métalliques sous lesquels du soufre était brûlé pour aider également au blanchiment.
La légende de la fabrication du savon ou, « saponisation » tirerait son origine de la colline « Sapo », près de Rome sur laquelle avaient lieu des sacrifices d’animaux brûlés sur des bûchers. Les graisses animales mêlées aux cendres étaient emportés par les eaux de pluie le long de la colline et se mélangeant au sol argileux venaient se déposer sur les rives du Tibre. Les femmes s’aperçurent alors que l’utilisation de ces dépôts facilitait leur lavage.
Une autre version raconte que le mot « savon » est lié à la ville de « Savone », toujours en Italie, ville dans laquelle furent fabriquées d’énormes quantités de savon durant le 9ème siècle après Jésus-Christ.
Ce n’est que vers le 7ème siècle que les Arabes firent découvrir aux peuples d’Europe, les pains de savon ce qui permit à la fabrication du savon de se diversifier, les fabricants gardant jalousement leur secret. C’est ainsi que l’on vit apparaître dans les pays du Sud tels l’Italie, l’Espagne et le Sud de la France, du savon fabriqué à base d’huile d’olive, tandis que dans le Nord de l’Europe, le savon était fabriqué à base de graisses animales (suif et huile de poisson), des herbes aromatiques servant à les parfumer.
C’est à partir du 17ème siècle qu’un grand nombre d’usines de savon furent construites à Marseille et que les français améliorèrent le processus de la saponisation en remplaçant toutes les graisses animales par des huiles végétales.
Le savon à base d’huile d’olive était de meilleure qualité et les savonneries industrielles de Marseille, Genève Savone et Venise furent très vives réputées pour leurs fabrications et exportèrent leurs savons vers de nombreux pays. L’Angleterre fabriqua du savon qu'à partir du 12ème siècle seulement. Trop cher pour les gens de peuple, le savon fut considéré comme un produit de luxe jusqu’au 19ème siècle.
Au Moyen-âge en France, les questions d’hygiène n’étaient plus d’actualité. Au contraire, les hommes pensaient que l’eau transmettait des maladies en pénétrant par les pores de la peau. Ils ne se baignent pratiquement plus et ne lavaient leurs vêtements qu’après les avoir portés durant plusieurs mois.
Durant l’époque de la Renaissance, l’eau restait toujours, dans les esprits, le meilleur moyen d’attraper des maladies, mais les nobles, soucieux de montrer qu’ils appartenaient à une classe supérieure, prirent l’habitude de se changer de plus en plus souvent. En même temps, la science progressait et les médecins comprirent que le manque d’hygiène était à l’origine de la propagation des maladies contagieuses et préconisèrent même de prendre un bain tous les jours en recommandant à la population de ne pas hésiter à faire un grand usage du savon.
Vers le XIXe siècle, la lessive constituait toujours à cette époque, la tâche ménagère la plus lourde car désormais, le linge devait être propre. Le mettre à tremper, le faire bouillir, le battre, le rincer, l’essorer puis le faire sécher au grand air, était fastidieux pour la femme, même si au fil du temps les planches à laver, battoirs, couleuses en cuivre ou en laiton remplaçant les vieilles cuves en bois pour faire bouillir le linge facilitaient un peu la tâche. A la campagne, c’est en général agenouillées sur une pierre inclinée ou devant une simple planche posée au bord d’une rivière, d’un étang, dans une fontaine ou dans une mare communale lorsque celle-ci existait, que les femmes de condition modeste savonnaient, frottaient et rinçaient leur linge, été comme hiver.
Les gens ne se changeaient pas aussi souvent que nous aujourd’hui et ce n’est que deux ou trois fois par an que les femmes procédaient à « la grande lessive ». Cette corvée durait plusieurs jours, parfois plus d’une semaine, notamment dans les grandes fermes. Toutefois, la plupart des lavandières préféraient laver leur linge chez elles ou dans des buanderies car c’était plus pratique pour faire bouillir la lessive. Elles ne se rendaient aux lavoirs que pour le rinçage qui nécessitait de grandes quantités d’eau.
Lors d’un mariage, le « trousseau » était amené par la future épouse, ce qui constituait une partie de sa dot. La quantité et la qualité du linge renseignaient beaucoup sur son statut social et donnaient une idée de la fréquence des lessives intermédiaires qui seraient nécessaires. Quant aux bourgeoises et aux nobles, elles confiaient la corvée de lessive soit à leurs domestiques soit à des lavandières professionnelles très nombreuses dans les villes. Pour le repassage des grosses pièces, les femmes utilisaient des calandres (cylindres en bois) et des fers de tailles différentes chauffés sur le poêle pour les pièces plus petites ou plus délicates.
Les fontaines et mares communales n’étaient pas réservées exclusivement aux lessives mais servaient également à l’approvisionnement en eau pour d’autres usages domestiques. Cela posait de graves problèmes d’hygiène aux populations qui étaient contraintes d’utiliser des eaux souillées de savon et autres saletés qui facilitaient la propagation de maladies. C’est ainsi que les grandes épidémies de choléra, peste, variole, typhoïde etc. qui sévirent en France de 1832 à 1864, firent prendre conscience de l’importance d’instaurer rapidement des moyens d’hygiène. Des maires décidèrent d’installer, en fonction du nombre de leurs habitants, un ou plusieurs lavoirs dans leur commune, en contrebas d’une source ou d’un captage d’eau, afin que les eaux souillées puissent être évacuées plus facilement, évitant ainsi la propagation des infections
Pour aider au développement de ces structures, Napoléon III instaura une loi qui prévoyait un crédit spécial pour subventionner à hauteur de 30 % la construction des lavoirs. Plusieurs styles de lavoirs furent ainsi érigés. Certains étaient constitués de plusieurs bassins, dont le bassin en aval servait pour le lavage du linge, et quelquefois d’abreuvoir, et le bassin en amont réservé au rinçage du linge. Les premiers lavoirs étaient sans couverture, sobres, puis l’on vit apparaître des lavoirs couverts par une toiture reposant sur des piliers mais dont les quatre côtés étaient exposés à tous les vents, enfin les lavoirs furent protégés par un ou plusieurs murs visant à améliorer encore les conditions de travail des lavandières en les protégeant mieux des intempéries.
Les lavoirs où les femmes exerçaient pourtant une pénible corvée devinrent vite un espace convivial et de liberté où elles se retrouvaient régulièrement. Certains rites s’installèrent rapidement au cours des pauses qu’elles s’octroyaient : repas, vin chaud, échanges de conseils, entraide et, pour s’encourager à l’ouvrage, rires et chansons fusaient tout au long de la journée. Ces lieux étaient parfois appelés : « hôtels des bavardes, chambre des députés, moulins à paroles, académie des médisances », car bien sûrs, les lavandières faisaient circuler toutes les informations du village et même parfois de la région. Mais comme dans toute communauté il y eut bien vite des tensions et la bonne humeur n’était pas toujours au rendez-vous. En effet, les places étaient chères car en fonction de son emplacement, la lavandière recevait l’eau souillée de celles qui étaient placées plus haut. Des disputes se produisaient souvent et le battoir servait très vite à autre chose qu’au lavage du linge. Pour être bien placées, certaines femmes venaient très tôt le matin ce qui n’était pas toujours du goût du voisinage qui se plaignait des bruits des battoirs et, bien que cet espace fût un lieu exclusivement féminin, ce sont les hommes qui prenaient les arrêtés municipaux pour tenter d’apporter des solutions à tous ces problèmes.
Aujourd’hui, des lavoirs existent encore un peu partout en France. Certains sont plus ou moins bien conservés selon les communes, mais, certaines municipalités tentent, malgré toutes les difficultés budgétaires qu’elles rencontrent, de les préserver où même de les restaurer afin de les conserver dans leur patrimoine. Je ne peux que vous recommander des sites fort intéressants indiqués en fin d'article, qui vous donneront un aperçu très large de tous les styles de lavoirs différents que l’on peut trouver dans le Gard et plus généralement dans tous les départements de France.